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L'histoire commence en 1577 :
Catherine de Médicis offre alors à son fidèle écuyer,
Jérôme de Gondi (1550 - 1604), l'hôtel d'Aulnay et ses dépendances, soit 13 arpents
de terre perchés sur le côteau de Saint Cloud, en regard de la Seine.
Ce petit domaine venait s'ajouter aux nombreuses propriétés que
les Gondi avaient déjà rassemblées en Ile de France, à proximité
de la capitale : la terre et la seigneurie de Noisy oû Albert de
Gondi, comte, puis duc de Retz, avait fait aménager des jardins
magnifiques, les signeuries de Bailly, de Marly-le-Chastel, de
Versailles et des Essarts, où il avait fait construire le château
de Villepreux, cédé peu de temps après à son frère, Pierre de Gondi,
évèque de Paris et futur cardinal de Retz. L'ascencion sociale des
Gondi avait été fulgurante : une décennie à peine avait suffi à ces
petits gentilshommes d'origine florentine pour parvenir au sommet de
l'aristocratie fraçaise.
En 1577, Jérôme de Gondi vient de négocier plusieurs affaires délicates.
Il a la confiance de la reine et celle d'Henri III; plus tard, il saura
gagner l'estime de Marie de Médicis. Sa fortune est près de s'accroitre
grâce à l'héritage des biens de son oncle, le puissant financier
Jean-Baptiste Ier de Gondi, mort en 1580. Dès lors, le train de vie
magnifique de Jérôme de Gondi va devenir notoire : un palais à
Florence, un hôtel à Paris - au bourg Saint Germain -, une villa
à Saint Cloud.
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Un lieu enchanteur et curieux
Les gravures du temps montrent divers bâtiments élevés sur une
terrasse et coiffés de hauts toits à la française. Au sud,
côté jardin, se dresse un haut pavillon d'angle, de style
Renaissance; la façade en est décorèe d'un cadran solaire et,
dans son pignon, du blason des Gondi, flanqué de deux figures
allégoriques. A l'est, un long portique borde la cour qui
s'ouvre sur le panorama de la Seine. Au dire des voyageurs,
la maison est modeste, bien décorée, mais sans rien de vraiment
remarquable. Ses attraits sont ailleurs : un site admirable avec
une vue qui embrasse Paris et toute la campagne environnante,
des jardins délicieux, riches en surprises, Vantés par les
contemporains, les jardins de Gondi sont parmi les premiers
jardins à l'italienne en Ile de France. on y découvre
perspectives peintes au bout des allées, grottes artificielles,
fontaines, cascades et quantité de statues.
Les lieux sont fréquentés par la cour; plus tard les jeux d'eau
feront la joie du petit Louis XIII, qui aimera "aller aux jardins,
à la grotte".
Mais, le 1er août 1589, un évènement sanglant ajoute à la célébrité
de ce lieu d'agrément. C'est là, en effet, qu'Henri III est frappé
à mort par le moine ligueur Jacques Clément et qu'il désigne le roi
de Navarre, futur Henri IV comme son successeur.
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Le déclin des Gondi
En 1604, l'ensemble des biens de Jérôme échoit à son fils
Jean-Baptiste II de Gondi (1576-1640). Lui aussi a sa place
à la cour, en qualité de gentilhomme de la chambre et
introducteur des ambassadeurs d'Henri IV. Mais l'époque est
plus sombre. La haine des italiens se fait plus vive et la
crise financière qui secoue le pays touche de plein fouet les
Gondi, bientôt acculés à la faillite. Entre 1609 et 1612,
Jean-Baptiste II est contraint de vendre ses biens immobiliers
parisiens; en 1618, il cède Saint Cloud à Jean de Bueil,
comte de Sancerre, apparenté aux Gondi par son mariage avec
la fille naturelle de Jérôme. Les années Bueil seron brèves.
Dès 1625, la propriété est rachetée par Jean-François de Gondi
(1584-1654), l'un des fils du duc de Retz et, depuis 1623,
archevêque de Paris. L'homme a mauvaise réputation mais on
lui reconnait d'avoir fort bien entretenu sa maison de
plaisance.
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Les principaux mérites de Saint Cloud
Elie Brackenhoffer, qui visite Saint Cloud en 1644, en décrit
les principaux mérites. Côté cour, quatre portraits équestres
de Charles IX, Henri II, Henri IV et Louis XII décorent la
façade; on remarque aussi quatre esclaves en pied et douzes
bustes. La cour est agrémentée de deux volières, d'une fontaine
et de statues en pierre et en bronze. Mais le plus remarquable
se trouve dans les jardins. C'est, en particulier une pièce
d'eau carrée où se dresse un Neptune "qui fait jaillir
l'eau par cinq ouvertures à la hauteur d'une maison". Non loin
de là, d'autres fontaines encore ainsi qu'une réplique du
Laocoon. On arrive ensuite à la grotte ornée de statues
et "gentiment formée d'un assemblage de colimaçons marins, de
concrétions, de miroirs, d'agate, de verre, mais en ce moment
- précise le voyageur - un peu laissée à l'abandon.
En 1655, Louis Huygens note à son tour que les fresques qui
décorent les murs extérieurs de la maison ont "beaucoup
souffert de l'injure de l'air et du temps".
En 1655, la propriété vient de passer aux mains de
Barthélemy Hervart (1607-1676) que Louis XIV, cinq ans
plus tôt, a fait nommer à la charge d'intendant des
finances. Déjà propriétaire d'un magnifique hôtel
parisien, Hervart a les moyens de donner plus de lustre
encore à son nouveau domaine. Il fait agrandir et
moderniser la maison. Il s'emploie aussi à amener les
eaux de Garches et des terres voisines, ce qui lui permet
"d'avoir un jet d'eau de 90 pieds alors qu'on avait pu
élever l'eau qu'à 50". Les transformations opérées par
Hervart ne sont pas passées inaperçues et la "Maison de
Gondi" - comme on l'appelle toujours - a de quoi susciter
les convoitises.
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